mardi 20 janvier 2009

Egalité ou équité ?

Il y a peu, un ami, releva mon usage du mot équité, en lieu et place, du mot égalité. Je me rendis alors compte, que j'avais, presque inconsciemment, rejeté le mot égalité, à cause de son emploi immodéré, dans la locution "égalité des chances", par nos politiques. La question est donc posée : une société juste, aspire-t-elle à l'égalité ou à l'équité ?

Il y a dans le terme d'égalité (en latin aequalitas; le vieux français disait encore équalité) une certaine équivoque, un double sens. D'une part, il comporte une idée de justice et même de faveur, de bienveillance, et c'est ainsi probablement que voulaient l'entendre les auteurs de la Révolution française en rangeant l'égalité au nombre des "immortels principes". Il s'agissait de placer tous les citoyens au même niveau devant la loi, sans favoritisme ni exclusion, en privant les "grands" de privilèges qui ne se justifiaient plus, et en accordant aux "petits" des droits dont ils étaient dépourvus sans raison. Et, d'autre part - et c'est ainsi que l'ont entendu bien des révolutionnaires, parmi ceux de 1789 comme de ceux de la révolution communiste russe -, le mot "égalité" a pris le sens d'uniformité, d'indifférenciation, de nivellement général des conditions sociales - nivellement de préférence réalisé par le haut: "L'assiette au beurre, disait l'un d'eux, loin d'être le privilège de quelques-uns, doit devenir l'apanage de tous." On tombait alors dans une vision utopique de la réalité, dans l'idéologie égalitaire ou, pour mieux dire, égalitariste.

L’égalité de droits, et principalement l’égalité des chances, est un but. Mais, par exemple, il ne suffit pas de déclarer l'égalité des hommes et des femmes pour qu’elle existe. Il faut corriger les inégalités et injustices. C'est à ce moment que l'équité devient un concept utile, permettant de limiter les inégalités sociales.
Un philosophe américain, John RAWLS (né en 1921), à développé dans une "Théorie de la justice"(1972), plusieurs principes :
Le premier principe (dit principe de liberté) assure à chacun « un droit égal au système total de libertés fondamentales le plus étendu possible ». Ce premier principe signifie que l’individu qui
naît avec des avantages pourra les maximiser et atteindre la plus grande satisfaction possible. L’individu est libre d’entreprendre tout ce dont il se sent capable, sachant que sa liberté d’action ne s’arrête que lorsqu’elle rencontre celle d’autrui.
Le deuxième principe pose que les inégalités sociales ne sont pas toutes amenées à disparaître
dans une société juste. En effet, certaines inégalités sont souhaitables car elles bénéficient aux plus démunis. Un exemple classique est évidemment celui de l’impôt progressif. Dans ce cas et
dans ce cas uniquement, l’inégalité doit exister car elle tend à réduire les différences. Ce premier pan du deuxième principe, Rawls le nomme principe de différence.
Idem, l’inégalité mérite d’exister quand il s’agit de juste égalité des chances, c’est-à-dire de mérite personnel. Rawls soutient ainsi l’accès par concours aux fonctions dites ouvertes, c’est-à-dire celles des institutions. Un exemple concret donné dans son ouvrage est celui des concours de fonctionnaires.

L’équité est une notion qui a toujours passionné les philosophes, à commencer par Aristote qui écrit ce texte au 4ème siècle avant Jésus-Christ – un texte toujours d’actualité :
"Telle est la nature de l'équitable, qui est un correctif de la loi là où elle se montre insuffisante en raison de son caractère général. Tout ne peut être réglé par la loi. En voici la raison : pour certaines choses, on ne peut établir de loi, par conséquent, il faut un décret. En effet, pour tout ce qui est indéterminé, la règle ne peut donner de détermination précise, au contraire de ce qui se passe dans l'architecture à Lesbos, avec la règle de plomb; cette règle, qui ne reste pas rigide (elle sert à mesurer les courbes), peut épouser les formes de la pierre; de même les décrets s'adaptent aux circonstances particulières. On voit ainsi clairement ce qu'est l'équitable, que l'équitable est juste et qu'il est supérieur à une certaine sorte de juste".

La loi est la même pour tous mais elle peut s’adapter à une situation particulière. Appliquer le principe d’équité permet la justice tout en respectant les lois. En voici un exemple. Si un voleur est pris en flagrant délit dans un magasin, il est passible d’une peine devant un tribunal. La loi, dans le code pénal, indique une sanction. Cependant, c'est au juge de rendre la justice en fonction de la situation. Si le voleur est une femme qui doit voler pour nourrir ses enfants, il va en tenir compte et réduire la sanction. Le vol reste le vol mais la justice doit rester humaine. L’équité doit contrebalancer la loi.

Un gouvernement ou une institution qui applique le principe d’équité cherche à mettre en place des outils ou des aides permettant à ceux qui sont défavorisés d’avoir les mêmes chances. Par exemple, la mise en place de soutien scolaire pour les élèves en difficulté, permet de donner à tous la chance de terminer sa scolarité obligatoire dans de bonnes conditions.

"Les Français sont satisfaits à peu de frais, un peu de
familiarité dans les manières leur semble de l'égalité "

Alfred De Vigny

" Les Français vont indistinctement au pouvoir : ils
n'aiment point la liberté, l'égalité seule est leur idole"

Chateaubriand

"Le désir du privilège et le goût de l'égalité, passions dominantes et
contradictoires des Français de toute époque"

Charles De Gaulle

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Sources : http://www.ciao.ch/f/ocia/?url=%2Ff%2Fracismes%2Finfos%2F1.7&flashversion=9.0&flash7=true

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